Nardone Porsche 928

Les réinterprétations modernes d’anciens classiques, vous en pensez quoi ? Des autos de série du style Fiat 500 ou Mini en passant par les concepts Miura, BMW Hommage, sans oublier la vague des Restomod, il y en a pour tous les goûts quand on est fan d’« anciennes ». Pourtant, l’intention derrière ces créations n’est pas toujours louable mais plutôt pécuniaire. Je pense par exemple aux Bentley ou Jaguar Continuations, qui, avec parfois des prétextes fumeux (construire les 25 exemplaires manquant de Type D), ont trouvé un filon merveilleux pour (re)vendre des autos qui ne sont plus au catalogue depuis des lustres mais qui ont entre temps pris une valeur monstrueuse dans les ventes aux enchères mondiales.

Pour ma part, je pense que la question se résout de la même manière que ce qui différencie un bon d’un mauvais chasseur. Quand c’est bien fait…eh bien c’est bien fait. Présentée pour la première fois au public en juin 2022 à Milan (capitale de la mode !), parlons un peu de la Porsche 928 Restomod par Nardone.

A première vue, le choix d’une 928 est assez étonnant. Ce n’est pas vraiment LA Porsche de référence. On penserait en premier lieu à une 911 ou bien une 356. Mais justement, le marché des copies, recréations, etc de ces modèles est déjà surchargé et occupé par des entreprises qui font déjà du bon travail. Alors à quoi bon lutter et pourquoi ne pas s’intéresser à une autre petite grenouille, à savoir la 928 ?

La 928 est un pavé dans la marre lancé par Porsche en 1977. Habituée des moteurs en sac à dos, à 6 pistons et refroidis par air, la marque propose avec ce nouveau modèle un moteur avant, V8 et refroidi par eau. Pire, la technique de la 911 étant pressentie pour devenir obsolète dans les années à venir, les dirigeants prévoient à terme un remplacement de cette dernière par la 928. L’histoire prouvera leur erreur de jugement et grand bien leur en ont pris. Après quasiment 20 ans d’existence et plus de 60 000 exemplaires vendus, elle a tout de même fait son trou dans l’histoire du constructeur de Zuffenhausen.

Pas une idée stupide alors que de partir sur cette icône qui par sa longévité aura touché plusieurs générations d’amateurs de mécanique. Sa longue durée de vie constitue le premier défi pour Thierry Nardone, fondateur de Nardone Automotive à Aix-en-Provence. Aidé du designer italien Carlo Borromeo, il faudra tout d’abord synthétiser les lignes de la 928 originale, ce qui n’est pas si évident. Entre le modèle de 1977 et les derniers exemplaires sortis en 1995, les versions « de base », S4 ou encore GT, il n’existe pas une unique carrosserie.

Il faut donc se demander qu’est-ce qui fait la substance d’une 928. Outre la ligne tranchant complètement du classicisme d’une 911, on retient bien sûr les phares ronds qui se relève quand allumés et qui lui donne un faciès de grenouille. La version 2022 reprend la forme et la rétractabilité, l’essentiel est préservé, on peut passer à la suite.

Outre les phares de batracien et les jantes, la Nardone se vêtit d’une teinte champagne très 928

Les lignes restent pures et respectent autant que possible l’originale, tout en penchant vers des lignes tendues, symbole de puissance. Après tout, il y a un V8 sous le capot ! Ou bien est-ce que Nardone a poussé le bouchon en installant un moteur électrique, tellement à la mode ? Non, pas de ça ici, un bon V8 de cylindrée inconnue pour le moment mais dont la puissance ciblée est de 400ch. Correct, sans esbroufe, bien dans l’esprit GT de la 928. C’est 50 équidés de plus que la plus puissante, la GTS. De quoi se faire plaisir d’autant plus que la technique est améliorée, avec des suspensions actives, un différentiel à glissement limité, des nouveaux freins, etc…

La boîte de vitesse gagne 1 rapport pour en afficher 6. A l’heure des unités automatiques, quel rafraichissement ! En continuant le tour du propriétaire, les yeux tombent sur les superbes jantes de 18 pouces qui reprennent le dessin en « plaque d’égout » de son aînée. Là où la transposition en un engin du XXIème siècle se voit le plus est au niveau de l’arrière. Si la forme des feux est en tout point identique à celle des dernières versions de la 928, le dessin intérieur est entièrement nouveau et porterait presque une touche rétrofuturiste pas déplaisante. Moins galbée, l’arrière est affiné, presque pointu. L’absence d’aileron et l’implantation d’un pseudo-diffuseur rendent le tout plus tranchant, bien aidé en cela par les ailes larges.

Ne reste plus qu’à découvrir l’intérieur. Quel retour aux années 80 ! Pour moi qui ne les ai jamais connues, si j’avais à décrire le style de cette décennie, je montrerais ce tableau de bord. Ici, à part le volant et le cadran central, point de courbes. Vive le dessin à la règle ! C’est simple, minimaliste, mais pas pour autant dépouillé. Nardone reprend par exemple le système d’info-divertissement Porsche PCCM embarquant Apple Car Play. Le compte-tours, traditionnellement au centre, est bien présent même s’il ressemble plus à une horloge. Ce sera en tout cas le seul élément à aiguille du tableau de bord car, de part et d’autre, un affichage analogique digne des plus grands films de science-fiction des années 80 prend place. De quoi rendre confus le conducteur, qui aura des sensations modernes au volant, tout en aillant sous les yeux du mobilier d’il y a 40 ans.

Une potion magique pour donner le sourire ? A confirmer dans 2 ans environ, quand le modèle de série arrivera, au tarif estimé de 480 000€. Hors taxes. Hors 928. Un cher joujou pour connaisseur.