Exposition Beauté Pure

Alfa Romeo Giulietta Sprint Spider Bertone 1956

Du 29 novembre 2019 au 23 mars 2020 se tenait, entre les murs du château de Compiègne, une exposition dédiée à des concept cars, prototypes expérimentaux et engins de records. Le thème commun des véhicules rassemblés : la recherche de la beauté. Je vous invite donc à venir (re)découvrir cette sélection d’autos rares qui présentent, chacune à leur manière, leur vision de l’élégance automobile.

On pénètre cette exposition par un grand couloir bordé de colonnes massives. Au milieu, une rangée de concept cars rangés du plus ancien au plus récent. On découvre donc en premier une Bugatti T28 de 1921 habituellement exposée à Mulhouse au musée national de l’Automobile. Elle dispose d’un 8 cylindres en ligne de 90ch et d’une boîte de vitesse à 2 rapports. Le but d’Ettore était de proposer une voiture de luxe, confortable, facile à conduire et véloce. De nombreuses innovations techniques de ce concept seront repris sur de futures Bugatti.

En continuant notre chemin nous tombons sur une étrange Panhard Dynavia de 1948, toute en rondeurs. On se demande parfois qui de la forme ou de la fonction doit primer. Ici l’aérodynamique guide le galbe et la forme générale de l’auto, sans pour autant manquer d’harmonie. Les 2 spectres de la conception d’une voiture sont gardés. Exposée au même endroit que la Bugatti, la Panhard n’est pas en reste côté recherches technique.

En poursuivant dans la rondeur on aperçoit une splendide Socema-Grégoire de 1952, de la couleur d’un doux ciel de printemps. Elle aussi voit sa carrosserie façonnée pour contrer les effets de l’air à haute vitesse. Elle doit ainsi être capable de dépasser les 200km/h avec sa turbine de 100ch. Première voiture française équipée de cette technologie, elle verra sa tentative de record battue par la Rover T1, enregistrée à 243km/h.

On change totalement de domaine avec cette Chrysler-Ghia Streamline X « Gilda » de 1956. Tout droit venue des Etats-Unis, elle était également conçue pour recevoir un moteur à turbine. Une conception en soufflerie dicte sa forme, qui se dépare des rondeurs pour des lignes plus tendues, tel un fin galet. « Gilda » sera annonciatrice du design américain des années 60 et 70.

Sur le même continent et toujours en collaboration avec Ghia, la Plymouth-Ghia « Asimmetrica » Roadster propose un dessin asymétrique, comme son nom l’indique. De la prise d’air avant au tableau de bord en passant par le bossage du capot et sur l’arrête de coffre, ce thème particulier traverse l’auto. Le but de ce concept était de créer un modèle de route apte à concurrencer les Ford ou Chevrolet concurrentes.

En parlant de concurrente, voici en tout cas une autre marque américaine représentée avec la Chevrolet Corvair Testudo Bertone de 1963. En dessous de ce concept car se cache une Chevrolet Corvair, dont la carrosserie se voit remplacée par un équivalent aux lignes plus latines. Bertone et Pininfarina sont mis en concurrence et ce sera finalement la proposition de Giorgetto Giugiaro pour Bertone qui marquera les esprits sans laisser une chance à Pininfarina. Le nom « Testudo » (tortue) fait référence à la pliure qui court le long du véhicule et vient rejoindre à l’avant comme à l’arrière les pare-chocs, évoquant une carapace de tortue.

Au fond du couloir trône fièrement une pure création italienne, l’OSI Alfa Romeo Scarabeo II de 1966. Encore une fois le monde animal est mis à contribution dans la nomenclature d’un concept. Dans la forme, elle ressemble un peu à sa sœur Giulia TZ dessinée par Ercole Spada pour Zagato. La Scarabeo en diffère en étant plus trapue, plus large, mieux posée sur ses roues.

En grimpant quelques marches on se retrouve dans une nouvelle salle dont le thème est la recherche de records. La première voiture sur laquelle tombe notre regard est cette Lurani Nibbio I de 1935. Embarquant un moteur de Moto Guzzi 500cm3 de 50ch, elle obtiendra 4 records du monde de vitesse dans la catégorie 4 roues de 350 à 500 cm3. Le carrossier Riva revoie l’aérodynamisme de la Nibbio en 1939 et lui permet de battre 8 nouveaux records. Enfin, en 1947, 6 records sont à ajouter à son tableau de chasse grâce à un moteur Moto Guzzi 250cm3 à compresseur.

L’auto suivante est développée par l’ingénieur Enguerrand de Coucy en 1948. Attiré par la création, il saute d’un projet à un autre : monoplace 500cm3 battant le record des 10 miles en 1937 avec une moyenne de 141,5km/h, voiture de compétition à moteur L8 de 1500cm3 double arbre à cames pour 255ch, … Ce côté butineur débouchera entre autres sur l’auto présentée ici, travail inachevé qui aurait dû recevoir en son antre un moteur 500cm3.

Première auto à franchir les 100km/h grâce à la magie de la fée électricité en 1899, la « Jamais Contente » avait été réalisée pour relever un défi de vitesse posé par le journal La France. Sa carrosserie fuselée et profilée comme une torpille est à des années d’avance de nos problèmes actuels d’économies de carburant. Déjà aux débuts de l’automobile on avait conscience de ce qui se passait autour d’une carrosserie.

Plus « jeune » voiture de ce plateau, la Velam Isetta de 1957 entend bien se jeter dans la course de l’obtention de records. Embarquant un tout petit bicylindre deux-temps de 10ch, elle concourut dans la catégorie moins de 250cm3 où elle battit 7 records. Encore une fois ces exploits sont permis par une carrosserie taillée comme un galet dont la surface frontale est réduite à son minimum.

Dans la salle juste à côté l’on retrouve 2 concept-cars radicalement différents. Le premier est « L’œuf » de Paul Arzens, de 1942. Artiste peintre formé à l’Ecole nationale supérieure des beaux-arts de Paris, il concevra notamment des locomotives (BB et CC), des stations de métro et participera même au dessin du RER. Paul Arzens n’est pas un ingénieur, et c’est peut-être cela qui libère sa puissance créatrice avec des solutions originales. Une unique pédale sert à la fois de frein (pédale enfoncée), de point mort (pédale à mi-course) et d’accélérateur (pédale levée).

Sa voisine nous vient de Riga où elle est toujours à découvrir actuellement dans un bel écrin. La REAF-50 est le résultat d’une demande de Moscou de concevoir une petite voiture expérimentale polyvalente, avec des applications militaires ou civiles. Le cahier des charges spécifie que le châssis puisse recevoir 2 carrosseries différentes. A cet effet, deux prototypes seront construits, un cabriolet et une berline. Aujourd’hui ne subsiste que cette dernière.

Dans la pièce suivante, la part belle est faite aux solutions techniques les plus folles, notamment celles qui croisent voitures et avions. La première est la Leyat Hélica Sport de 1921 qui arbore à l’avant ni plus ni moins qu’une hélice d’avion ! Déclinée en deux places découvertes, berline et fourgonnette, une poignée d’Hélica seront produites. Pour son époque, la voiture est assez rapide, rançon de sa grande légèreté. Malheureusement, l’adhérence n’est pas son point fort avec des roues arrières directrices. La poussière qui se dégage de la rotation de l’hélice ne participe pas non plus au confort des passagers et ne sera certainement pas vu d’un très bon œil par les passants…

Quand on décide d’appliquer des solutions provenant du monde de l’aéronautique à une monoplace, cela donne la Monaco-Trossi de 1935. Le moteur est un 16 cylindres en étoile de 4L pour 250ch. Comme dans les avions de l’époque, celui-ci est monté tout à l’avant, en amont des roues antérieures. Ces dernières sont d’ailleurs motrices, ce qui en fera la seule monoplace européenne de type traction. L’originalité ne paie pas toujours et ce sera le cas avec elle. Difficile à manier et souffrant de problèmes de refroidissement, elle se retirera des essais du Grand Prix d’Italie de 1935.

On continue la visite en passant dans une pièce où, sous un lustre splendide, se trouve une non moins splendide Alfa Romeo Giulietta Sprint Spider Bertone de 1956. On doit ce modèle à l’initiative de Max Hoffman, importateur new-yorkais de voitures de luxe. Pour sa riche clientèle américaine, il demande à Alfa Romeo de concevoir un petit roadster sportif sur la base de la Giulietta. La marque milanaise demandera à Bertone et Pininfarina de lui faire chacun une proposition. Le dessin de Franco Scaglione pour Bertone est fluide et moderne, et plait instantanément aux américains. C’est cependant la proposition de Pininfarina qui verra une suite en série, cette dernière étant moins chère à produire.

Le prochain concept partage un lien avec l’Alfa en étant dessinée par le même Franco Scaglione. La Fiat Stanguellini 1200 Spider « America » Bertone de 1957 est issue d’une Fiat 1100 TV dont la cylindrée a été revue à la hausse (1200cm3) et le châssis modifié par Stanguellini. La ligne est toute en courbes et l’engin est élancé, svelte, prêt à surfer sur le bitume des routes du monde. Le choix du roadster reflète une époque aujourd’hui révolue.

Pour la suite et fin de la visite, on change d’aile dans le château pour se retrouver en face de la futuriste Mercedes-Benz C111-1 de 1969. Ce modèle est l’exemple parfait de ce que l’on pourrait appeler une voiture laboratoire. Différents concepts y sont testés. L’aérodynamisme en premier lieu, avec une carrosserie étudiée pour une meilleure pénétration dans l’air. La motorisation, ensuite, est un inédit moteur à pistons rotatifs Wankel de 280ch. La C111 recevra diverses itérations avec comme changements la forme mais aussi le moteur, expérimentant tantôt le rotatif, tantôt le diesel.

En face se trouve une très plate et fine Vauxhall SRV de 1970. On reconnait immédiatement le « wedge » design, cunéiforme, des concepts de l’époque, Bertone Carabo en tête. Ce mouvement artistique accouchera de la fabuleuse Lamborghini Countach. La Vauxhall est conçue pour proposer un haut niveau de performance, profitable à ses 4 passagers. Pour cela, la hauteur dépasse tout juste le mètre et les suspensions est ajustable pour encore plus de vélocité. A nos yeux d’hommes et femmes du XXIème siècle, elle présente un certain côté cyberpunk pas déplaisant du tout.

Pour finir, dans une salle sombre et entourée de calèches se trouve une MG EX 234 de 1965. La plus jeune voiture de cette exposition est une proposition à BMC afin de rajeunir l’image traditionnelle et vieillissante des modèles de sa gamme. Pininfarina se chargera du dessin, tout en sobriété et modernité. Des solutions techniques innovantes sont aussi suggérées, ce qui ne plaira pas aux dirigeants, qui argueront que les ventes de l’époque étaient suffisamment satisfaisantes pour ne pas avoir à bouleverser leurs traditions.

C’est ainsi que se termine cette visite de l’exposition « Beauté Pure », sise dans le cadre exceptionnel du château de Compiègne. Voir ces modèles réunis dans un tel lieu est une réelle chance, certains étant dans des collections privées et pour la plupart disséminés de par le monde.

Laisser un commentaire

Concevoir un site comme celui-ci avec WordPress.com
Commencer