La stratégie coréenne

Quand on parle de Corée du Sud et d’automobiles, on pense forcément aux mastodontes que sont Hyundai et Kia. Les plus connaisseurs y ajouteront les moins connues Ssang Yong et Samsung. Bien qu’intéressantes d’un point de vue découverte, nous n’allons pas aujourd’hui parler de ces 2 dernières marques. Nous essayerons de voir ensemble à quoi est due la réussite du groupe Hyundai à travers le monde, et pourquoi l’on peut dire qu’il s’agit d’un cas d’école.

Le groupe Hyundai aujourd’hui est un véritable mastodonte : 6ème groupe automobile en 2019 avec 7,2 millions de véhicules vendues à travers ses deux marques Hyundai (4,42 millions) et Kia (2,77 millions). En France, cette même année, respectivement près de 40000 et 45000 exemplaires sont vendues soit des parts de marché de quasiment 2% pour chacune. Pourtant, le groupe n’est constitué que de deux marques, qui plus est qui se situent sur le même segment de marché. Analysons donc les raisons de ce succès.

Les deux marques commencent à s’intéresser à l’automobile durant la seconde moitié du XXème siècle. Au début, la production est celle de modèles étrangers sous licence, Ford Cortina pour Hyundai en 1968 et Fiat 124 pour Kia en 1971. Rapidement, Hyundai se sent pousser des ailes et commence à embaucher des grands noms de l’industrie europénne. En 1975 apparait le premier modèle « made in Korea », sous un design signé Giorgio Giugiaro, et avec des moteurs et transmissions de Mitsubishi, la Pony. C’est le début de la conquête mondiale pour la marque, Equateur, Benelux, Canada. En 1986, la marque pénètre aux Etats-Unis. De son côté, Kia avance de manière plus timide mais tout aussi résolue. Cette stratégie est en tout point similaire à ce que l’on a pu voir ces dernières années en Chine, ou même partout ailleurs dans le monde il y a plus longtemps. On apprend des autres en fabriquant sous licence ou en CKD (sorte de « kit » à monter), puis l’on recrute des experts étrangers à la marque afin de produire ses premiers modèles.

Hyundai Pony 1975-1982

Les modèles coréens sont bien entendu d’abord marginaux au-delà des frontières du pays. Mais ils acquièrent rapidement une réputation de bonne fiabilité. Associée à un prix de vente bas, elles creusent leur trou dans le marché mondial. La même stratégie en somme que les modèles japonais ont adoptée, Toyota en tête. Pour la suite, nous verrons que Toyota sera souvent un excellent point de comparaison. Le temps passe pour Hyundai, qui s’établit en Inde en 1996. La marque engrange de l’expérience et les clients se font de plus en plus à l’idée d’acheter un modèle coréen. Kia, les reins moins solides, est déclarée en faillite puis se fait racheter par Hyundai en 1999.

Hyundai Creta ou ix25, spécifique à certains marchés comme l’Inde ou le Mexique, mais pas la France

C’est le début du groupe Hyundai tel que nous le connaissons actuellement, avec les deux marques sœurs Hyundai et Kia. Au tournant du siècle, la stratégie du groupe devient plus intéressante. Plutôt que de développer des modèles mondiaux (produits pour tous les marchés), le groupe se décide à cibler ses différents marchés en développant des modèles qui devront plaire localement. Ainsi, des centres de R&D et de design ouvrent leur porte dans les différents marchés cibles du groupe. Des usines sont également construites, en Europe par exemple. La gamme européenne diffère de la coréenne, elle-même différant de l’américaine, etc… Petit à petit le design s’affirme, fini les modèles insipides mais fiable. Dorénavant les Hyundai et Kia sont fiables et belles. Cette fiabilité reste un leitmotiv du groupe, c’est sur cela qu’est bâtie l’image du groupe. En France, la garantie légale des Kia passe de 2 à 7 ans !

Le fameux « Tiger Nose » des Kia, un design affirmé

Un nouvel axe de développement se crée, avec la technologie des véhicules propres. En quelques années, le groupe se construit une gamme assez pléthorique de modèles à faibles émissions (électrique, hybride rechargeable ou non, et même hydrogène). Là encore l’inspiration Toyota se fait sentir. On peut même dire qu’en terme de proposition, le groupe coréen fait jeu égal avec son concurrent nippon, voire même le dépasse. Et comme pour lui, les premiers arrivés sont souvent ceux qui ont raison.

3 choix de motorisations « propres » pour la Hyundai Ioniq, électrique, hybride rechargeable et hybride simple

Un dernier point de comparaison avec les groupes japonais est la création en 2015 d’une « sous-marque », Genesis, destinée à la production de modèles haut-de-gamme, à la manière d’un Lexus pour Toyota ou Infiniti pour Nissan. Le groupe n’ayant plus rien à prouver dans le milieu de gamme, elle ose affronter les ténors allemands et les concurrentes japonaises. Et elle le prouve également par la présence au sein de sa gamme d’un modèles image, la Kia Stinger. Cette évolution vers le haut rappelle celle d’Audi, qui est passé en quelques années de petit constructeur de voitures moyennes à constructeur premium bataillant avec l’ogre Mercedes.

Le groupe Hyundai est sûr de lui et persévérant. Il sait que le succès ne vient pas instantanément, et ne bouleverse pas toute sa stratégie sous prétexte que les ventes ne sont pas au beau fixe dès le début. Si l’on pouvait résumer sa philosophie, ce serait l’évolution dans la continuité, et le progrès. Beaucoup de marques, pourtant iconiques ont baissé les bras dans certains segments (Renault dans le haut-de-gamme). D’autres ont fait le choix d’une gamme mondiale, quitte au final à ne plaire à personne. Enfin, de nombreux concurrents ont loupé le coche de la motorisation de demain. Voici donc ma vision du succès du groupe Hyundai, inspiré des meilleurs exemples des autres constructeurs. Hyundai semble bien parti pour faire partie de notre paysage automobile mondial pour de nombreuses années, et c’est tant mieux. Je trouve que leur design s’améliore réellement et il y a même certains modèles coréens ou américains que j’aimerais bien voir sur nos routes…Peut-être dans un nouvel article sur ce blog ?

Edit du 18/12/21 :

J’ai déjà rapidement aborder le sujet dans l’article sur la Hyundai Casper, où je parlais de mon indifférence à la plupart des nouveautés automobiles qui sortent depuis un certain temps. Mais aussi du fait que les modèles du groupe Hyundai/Kia me plaisent de plus en plus et provoquent en moi des émotions que je n’ai plus ressenties depuis longtemps.

Et le point d’orgue de ce sentiment est la commercialisation du duo entièrement électrique Hyundai Ioniq 5 et Kia EV6. J’ai eu l’occasion d’en croiser déjà quelques-une et ai donc pu apprécier le design rafraîchissant de ces autos. Pour rappel, ces modèles sont en quelque sorte la phase 2 du plan d’électrification du groupe coréen. Ce ne sont pas les premiers à se mouvoir grâce à la fée électricité (Kia Soul, Hyundai Ioniq), mais ce sont les premiers à disposer d’une carrosserie qu’il leur est propre.

La première à affronter le regard du public fut la Hyundai, qui surprenait avec un dessin rétro fait de lignes droites et de carrés. Proprement inclassable et surtout, du jamais vu. Un énorme effort a été porté sur l’attention au détail, ce qui ne se voit pas forcément au premier coup d’œil. On pourrait se dire qu’il ne s’agit que d’un vulgaire cube à roulettes, mais ce serait s’arrêter aux apparences sans creuser plus loin l’analyse. Prenez par exemple les passages de roue, qui reçoivent toute une série de « coups de cutter », pour refléter le motif des jantes. Ou bien le motif des phares et des feux, un pied dans le futur tout en restant à la fois simple et rétro.

Pourtant, la Ioniq 5 cumule les tares à mes yeux. C’est un SUV, de surcroit électrique. Ce ne serait à première vue pas trop ma tasse de thé. Mais ces formes sont si spéciales, si indescriptibles, que l’on ne dirait absolument pas un SUV. Il faut la mettre à côté d’un autre SUV pour se rendre compte de ses proportions. Cela, associé au soucis du détail mentionné plus haut, font que cette Ioniq 5 me branche (jeu de mot). Même le gris, pourtant une couleur que je haïe au plus haut point sur une voiture, ne me dérange pas.

Quel vent de fraîcheur apportent ces feux en pixel

Puis vint la sœur EV6, qui propose un dessin entièrement différent. Pas de rétro, rien que du futurisme. Avec toujours ce travail porté sur les éclairages qui porte vraiment la signature des modèles (électriques) de l’avenir. Fini les formes plan-plan, place à la folie. On joue sur les profondeurs, sur la largeur, enfin les coréens osent et c’est réussi !

Les feux entrent en symétrie avec la partie basse du hayon. Et que ce bleu est magnifique…

Pour elle aussi le côté SUV est annihiler par une caisse basse et un avant dont les lignes semblent pointer telles une flèche et étirent visuellement la carrosserie. Peu importe l’angle, il est difficile de reconnaitre en elle une sœur de la Hyundai. Et pourtant, les deux propositions sont extrêmement réussies et abouties. J’en ouvrirais presque mon carnet de chèque si j’en avais un. Et de quoi les brancher. Et les moyens. Mais ce sont indubitablement mes plus gros coups de cœur automobiles de ces dernières années !

L’avant est nerveux et pointe vers le logo de la marque au centre

Références :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Hyundai_Motor_Group

https://en.wikipedia.org/wiki/Hyundai_Motor_Company

https://en.wikipedia.org/wiki/Hyundai_Pony

https://fr.wikipedia.org/wiki/Kia_Motors

https://www.reuters.com/article/hyundai-motor-sales/hyundai-kia-report-2019-global-sales-of-7-2-mln-vehicles-miss-target-idUSS6N23A02C

https://fr.wikipedia.org/wiki/Genesis_Motors

L’Automobile magazine Hors-Série « Toutes les voitures du monde 2020-2021»

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